Pas une semaine sans que ne sorte une nouvelle alarmante concernant le climat. La planète court à sa fin. C’est entendu. C’est tellement entendu que la plupart du temps, on n’y porte même plus attention. Pourtant, parfois l’information se glisse jusqu’à notre cerveau et on est pris.e de panique. Il faut faire quelque chose. Il faut agir, on peut pas juste attendre que tout s’écroule autour de nous. Mais ces élans de panique ne vont jamais bien loin. On ne manque pourtant pas de motivation: quoi de plus motivant que d’espérer pouvoir continuer à vivre? Mais c’est juste tellement gros ce qui nous fait face. Un genre d’hydre à 1 milliard de têtes. Surement le plus gros défi de notre époque.

Sauf que pour répondre à ce défi titanesque, on nous propose des solutions tellement insignifiantes. Un petit jardin par ci, quelques pailles en plastique en moins, une petite réduction de l’augmentation des gaz à effet de serre… On a un monde à sauver et on nous propose des solutions minables, sorties de la tête de gestionnaires, qui une fois finie leur journée de boulot, rentrent en VUS hybride dans leur bungalow à Brossard. Chaque nouvelle solution proposée par les gouvernements ou l’industrie, présentée comme l’apothéose écologique, nous laisse sidéré.es. C’est tout? Tout ce que vous proposez? Vous croyez vraiment qu’un marché du carbone va renverser la vapeur? Devant si peu de sérieux, on se sent un peu clueless sur ce qu’on devrait faire. Alors on fait rien. Ou si peu. Les petits gestes qu’on peut faire par soi-même: la récup, les emballages plastiques, le compost. Mais au fond de nous, on sait que c’est de la bullshit.

On sait que ça peut plus continuer comme si de rien n’était. Que c’est pas d’une nouvelle ligne de métro dont on a besoin, mais de beaucoup plus. On a envie de sortir la nuit et de brûler des chars. Bloquer les ponts le matin, pour empêcher les gens de continuer à venir travailler à des kilomètres de chez eux et elles. On a envie de foutre assez le bordel pour que la petite routine habituelle soit brisée, qu’on se sorte la tête du cul et qu’on accepte la dure réalité. Le monde dans lequel on vit n’est pas compatible avec la survie de la planète. C’est ça qui est ça. On le sait au plus profond de nous, on attend juste le moment où ça va pêter pour se joindre au party.

Mais ça pète jamais. Parce qu’on nous propose toujours les mêmes vieilles solutions. Celles qui changent si peu de choses qu’au fond rien ne change, et c’est justement pour ça qu’elles sont proposées. Business as usual. On nous noie sous une tonne de micros projets plus futiles les uns que les autres, qui nous font oublier la panique qui nous prend parfois. Et le monde continue de tourner et le cash de rentrer. Sauf que c’est ça le fond du problème, c’est le cash. C’est à cause de lui qu’on pollue. C’est pour lui que tous les jours les gens font une heure de char pour se rendre au boulot. C’est pour lui qu’on détruit les terres ancestrales des communautés autochtones de partout dans le monde. C’est pour lui qu’on nous enfonce dans la gorge que boire de l’eau dans des bouteilles c’est donc ben mieux que dans un verre et qu’il y a un 7e continent de plastique dans les océans.

Est-ce qu’on peut vraiment espérer changer les choses sans questionner le rôle du profit et du travail dans nos vies? Voilà la vraie question, celle qui nous fait peur. On sait qu’on devrait pas travailler 45h par semaine pour payer notre cell 20 fois trop cher. Qu’on ne peut plus se permettre de rêver de posséder son petit condo, son chalet dans les Laurentides, de mener sa petite vie en travaillant jusqu’à la retraite et de passer nos vacances à Cuba. Le monde s’écroule littéralement sous nos pieds.

Espérer sauver la planète implique espérer s’affranchir du cash et du travail. On parle pas ici de simplicité volontaire. On parle de refuser la valorisation, l’accumulation et le travail comme force motrice de nos vies. En d’autres mots, le système économique et l’État. Un monde réellement écologique ne peut advenir que si on arrive à repenser l’organisation sociale, sans que le profit motive nos actions. Car il sera toujours plus profitable de polluer que de ne pas le faire.

Gros projet direz-vous. Yeah right, mais au moins à la hauteur de l’enjeu. Un projet qui se prend crissement au sérieux. Travailler à l’écroulement du monde capitaliste et du colonialisme, ça se fait pas du jour au lendemain. Ça demande de travailler sur des fronts multiples. Le comment est pas toujours clair. Ça fait 500 ans que des gens s’y essayent, que les stratégies se renouvellent. Ce qui est sûr, c’est que ça commence avec les rencontres que l’on fait. Trouver des ami.es ou des camarades avec qui s’organiser. Le mouvement de grève pour le climat est un bon terrain pour commencer ou continuer à le faire. La grève par elle-même est un moment où l’on refuse le train-train de la vie quotidienne, où l’on se permet de rencontrer des nouvelles personnes parce que le temps libre abonde subitement. Quel qu’en soit le chemin, il implique que la lutte soit collective et qu’elle ne puisse pas être récupérée par l’État et le capitalisme. C’est à nous de trouver les chemins qui seront victorieux.

Ça demande de faire des alliances. De se poser la question de qui souffre de l’organisation actuelle du monde. Qui est opprimé.e ou exploité.e et qui en profite? C’est con à dire, mais adresser la question du climat implique avant tout de reconnaître que le désastre actuel est le fruit du capitalisme, du colonialisme et de l’État, mais aussi du racisme, du patriarcat et d’autres systèmes d’oppression. Ce sont les communautés les plus marginalisées qui sont les premières victimes des désastres écologiques et les conséquences de la crise environnementale ne sont pas vécues de manière égale. Il faut arriver à s’opposer à la catastrophe dans son ensemble, à comprendre que les problématiques sociales, économiques et environnementales sont le résultat du rapport au monde fucked up que nos sociétés entretiennent. Il n’y a pas de demi-mesure possible pour répondre à la destruction en cours de la planète. Ensemble faisons grèves, manifestons, bloquons les infrastructures et imposons le seul monde qui puisse être réellement écologique, un monde sans travail, sans classes, sans racisme et sans patriarcat.