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Ce serait la moindre des choses d’ouvrir un texte aux prétentions politiques sur la question du travail, (surtout si elle est abordée dans un rapport existentiel) en commençant par nommer des évidences telles que:  ” de nos jours on travaille trop”,  “l’argent devrait être mieux réparti”, ou encore “les gens n’ont plus le temps pour leurs ami.es et leur famille”.

Mais on les a assez entendues ces banalités sociales-démocrates dans le genre. Le monde n’a pas besoin d’une, de deux ou de quatre-vingts réformes de plus: ce dont il a besoin, c’est d’être reviré de bord, crissé par terre pis réinventé en fonction de ce qu’on aura mis en place pour le détruire. Pour nous c’est impensable que l’on puisse patenter quoi que ce soit avec la pourriture actuelle, alors mettons tout de suite au clair que ce ne sera pas l’objectif du présent texte. Ça nous intéresse pas du tout de nous positionner sur un spectre politique qui passe d’un débat sur le pourcentage qu’on devrait prendre aux riches à la collectivisation des moyens de production. Ce monde doit devenir vraiment autre chose que sa version collectivisée.

En ce sens, on est d’avis que le travail ne doit être ni réformé, ni pensé autrement: mais être dépassé. C’est-à-dire, qu’il nous faut non pas abolir le travail (qu’est-ce que ça pourrait signifier?), mais le destituer de nos vies, construire des communautés dans lequel il ne peut plus faire sens, ne peut plus exister. Évidemment, affirmer quelque chose du genre c’est se mettre à dos tous les citoyens de l’Empire: des patrons jusqu’aux marxistes orthodoxes. Mais nous n’avons rien à faire d’être des citoyen.es du désert.

À qui voudra bien s’y frotter, les pages qui suivent seront donc consacrées à une présentation plus claire, même si parfois peut-être complexe, de notre position contre le travail. Après une présentation historique de l’émergence du travail, nous enchaînerons avec une explication de notre rapport existentiel, puis avec une distinction entre destitution et abolition, pour finir par proposer trois figures de destitution du travail.

Un peu d’histoire… 

“L’histoire révolutionnaire est toujours une critique fondamentale de toutes les histoires passées, une réévaluation au présent de l’ensemble de la dynamique historique” 

Avant d’entâmer notre réflexion sur le travail, il nous faut adresser la question de manière historique. Si on partait de l’idée que “le travail est l’essence de l’humanité” on pourrait évidemment pas aller bien loin. Heureusement le sens commun est aujourd’hui un peu plus flexible à ce sujet: “Le travail fait partie de la vie, comme la sexualité, l’amitié, l’amour, la mort, etc”, mais il demeure communément admis que “de tout temps, les humains auraient travaillé”. C’est cette dernière affirmation à laquelle il nous faut répondre en premier lieu afin d’éclairer le sens de notre proposition. Le travail n’est pas une réalité qui traverse le temps et l’espace, mais plutôt un fait social historiquement circonscrit et rendu possible à travers des dispostifis de capture de la force de vie.

Évidemment, il est ici question de langage. Il faudrait avoir une réflexion différente pour l’Allemand ou l’Innu-aimun. Le terme travail, avec le sens qu’on lui connait aujourd’hui, apparaît au 17e siècle avec les premières manufactures européennes. Il découle du mot latin Tripalium, qui désigne un instrument de torture. Autrement on pouvait au 12e siècle européen parler du “traval d’enfant” pour désigner les douleurs de l’accouchement ou encore quelques siècles plus tard pour référer aux machines avec lesquelles on assujettissait les grands animaux. Mais au-delà de ces considérations étymologiques, ce qu’il nous semble important de clarifier, c’est que lorsqu’on affirme “qu’il a toujours fallu travailler” on sous-entend qu’il a toujours existé quelque chose comme “Le Travail”, et c’est là que le bât blesse. Ça ouvre la porte à dire toute sorte de niaiseries comme “Les autochtones travaillaient environ 8 heures par semaine” ou encore “Au Moyen-Âge on travaillait à peine un jour sur deux”. On a ici droit à la version améliorée du mythe comme quoi la vie était terriblement dure au Moyen-Âge ou dans les communautés autochtones avant la colonisation. Même si un effort de déconstruction historique est fait, en rejetant les mythes du siècle des Lumières sur le monde pré-colonial et féodal, on y applique quand même un concept a-historique. Précisons.

Le travail n’est pas quelque chose qui existe tout seul. Toute activité humaine ne devient pas travail à partir du moment où elle sert à quelque chose. Il a fallu, pour inventer le travail, briser les modes d’organisations traditionnels (destructions de villages, expropriations des communaux, déplacements forcés, traites négrières, chasses aux sorcières) et puis par la suite capturer dans des espaces disciplinés ces populations privées de leur communauté. Ce qu’il est important de comprendre c’est que lorsque se constitue historiquement le capitalisme, il ne rencontre pas la force de travail comme cela, comme forme immédiate et concrète de l’existence humaine.Pour le rendre possible, il a fallu transformer la force de vie en force de travail par l’institution d’une série de séquestrations. C’est-à-dire que lors des premiers siècles de la modernité coloniale, ce qui fût nécessaire au développement du capitalisme fut non seulement la violence brute de l’expropriation des paysan.nes d’Europe, des autochtones des Amériques et des populations sub-sahariennes, permettant “l’accumulation primitive”, mais aussi la mise en place d’une série de mécanismes disciplinaires nécessaires à la transformation de tous ces corps en force de travail. Si toutes ces personnes, dans leur monde respectif, s’affairaient, besognaient, reproduisaient de toute sorte de manières leur vie, elles ne connaissaient pas pour autant le travail comme un moment, isolé du reste de l’existence, dédié à la production.

La colonisation des Amériques repose sur un rapport de dépossession par le travail exemplaire et qui illustre l’extériorité du Travail aux formes-de-vies qu’il doit capturer afin de s’implanter. Alors que la blanchité se comprend comme accès à la propriété, soit de sa force de travail, soit des moyens de production, la racialisation réservée aux personnes noires dans l’esclavage – de la plantation au complexe industriel carcéral-, est irréductible à la question du salariat parce que le propre de l’esclave est de ne pas s’appartenir.

Et c’est justement l’extériorité au travail des autochtones de l’île de la tortue que sous-tend la doctrine de la découverte, utilisée pour justifier légalement l’accaparement des terres et la colonisation des Amériques par les états européens. La terra nulius ce sont ces terres “vierges” et “non-cultivées” par le Travail au sens où l’entend l’administration impériale. Le travail, propre à la modernité coloniale, ne doit donc être compris seulement à la manière libérale, mais élargi aux dispositifs techniques et rhétoriques au fondement de la colonisation. Même si l’esclavagisme et la dépossession territoriale s’opposent au mythe moderne du travail, ils en sont pourtant parmi les piliers.

Pour permettre la création du travail comme on l’entend ici et aujourd’hui, il a fallu notamment mettre en place une série de dispositifs disciplinaires, que ce soit par le feu et le fouet ou la  contrainte et l’horloge.

La discipline est une technologie politique des corps. Elle est constituée de la totalité des contrôles coercitifs qui s’exercent sur le lieu de travail : surveillance, exécution machinale des tâches, rythmes  imposés, quotas de production, pointeuses, etc. La discipline est ce que le magasin, l’usine et le bureau ont en commun avec la prison, l’école et l’hôpital psychiatrique. Par l’élaboration de toutes sortes de technologies disciplinaires, il s’agit alors d’autonomiser la sphère du travail, temporellement et géographiquement, du reste des vies. L’activité productrice qui est partout intégrée dans la cosmologie locale se voit remplacée par un moment “travail”  imposé comme mutilation de la vie, comme isolée de l’existence. Le travail est le produit d’une série de technologies de domination visant à conquérir le corps et à l’asservir à des logiques de production.

Nous ne pouvons par contre pas penser l’enfermement et la discipline rendant possible le travail comme limités au salariat parce que c’est l’expérience d’une dépossession, et non pas seulement d’une prolétarisation, qui le caractérise. S’il est depuis longtemps évident que la condition du capital est le travail salarié, le travail domestique est longtemps resté dans l’ombre du privé. Alors que dans les communautés qu’on dit “pré-capitalistes” il existe une unité entre production et reproduction, le capitalisme se caractérise par la séparation historiquement genrée entre les deux, séparation qui se superpose à une séparation hiérarchique entre espace privé et espace public, le dernier étant aussi “espace du politique”. 

La division genrée du travail qui assigna les femmes au travail reproductif et les hommes au travail salarié à été rendue possible par l’enfermement des femmes dans le domicile et des hommes sur le lieu de travail. La constitution de la famille comme sphère privée recluse dans le domicile, le corps des femmes, leur travail, leurs pouvoirs sexuels et reproductifs furent transformés en ressources économiques, segment de travail invisibilisé. S’il existait auparavant différentes divisions genrées des tâches et des occupations, le développement de la modernité, en brisant les communautés, a réussi à individualiser et à rendre travail toute besogne : on s’occupe seul.es des enfants comme on est salarié.es sur le lieu de travail.

Pour résumer, le monde du travail repose sur l’obligation de se vendre et de tenir les foyers domestiques, découlant de la destruction des communautés ainsi que des formes de vie traditionnelles et permettant la production de valeur résultant des technologies disciplinaires. On nomme dispositifs cet ensemble hétérogène de techniques, discours, rapports, pratiques, institutions et tactiques rationnellement organisés et hiérarchisés rendant possible le travail. Pour satisfaire ceux et celles qui désirent des définitions précises, on pourrait donc dire, suivant cette présentation historique, que le travail représente toutes les formes de captures de notre force de vie par des dispositifs de production et de reproduction. Les transformations contemporaines du travail capitaliste découlent de ce développement historique jusqu’à ce jour, où on en vient à croire que le travail a toujours existé…

Toutes ces explications historiques ne sont pas une fin en soi. Elles sont ici déroulées pour clarifier que le travail n’est pas un fait universel, qu’il n’existe qu’à travers des dispositifs de capture et ainsi poser les bases permettant de comprendre notre rapport au travail.

Un rapport existentiel 

“Quiconque échange son labeur contre de l’argent se vend lui-même”

Le travail se présente à nous avant tout dans un rapport existentiel. C’est parce qu’il bouffe notre temps de vie, parce qu’il fait tourner autour de lui tous les actes de nos existences. Même les loisirs ne sont plus que des divertissements.  C’est-à-dire non pas des moments qui ont une valeur en soi, mais juste pour nous divertir, nous éteindre le cerveau un peu en attendant de retourner travailler. C’est pour nous tellement pathétique qu’il soit impossible de rencontrer quelqu’un aujourd’hui sans lui demander en premier lieu : ” tu fais quoi dans vie? ” et que cette question signifie “quel est ton travail”. Pathétique tout comme l’est la peur incommensurable du chômage, du BS et la déprime qui accompagne souvent l’oisiveté. Partager une posture contre le travail c’est pas avant tout une réflexion historique d’universitaire sur la généalogie des dispositifs capitalistes. C’est plutôt partager le sentiment qu’on hais le travail, la manière dont il contrôle nos vies pis qu’on a envie d’autres choses, d’autres mondes. Passer sa vie sans jamais remettre en question le fait de donner son temps à un boss ou à l’État, c’est remettre le sens de son existence entre les mains d’élites qui ne nous désirent que comme travailleurs-travailleuses, que comme payeurs-payeuses de taxes, que comme étant à leurs bottes.

C’est pas étranger pour nous que certain.es puissent se sentir tout à fait accompli.e par une telle vie : se satisfaire de sa carrière et de sa famille. Parce que le travail est évidemment pas seulement exploitation, il est aussi participation. Exploitation de la force de travail individuelle et collective par l’appropriation de la valeur des biens ou des services produits; participation à une oeuvre commune par les liens qui se tissent entre ceux et celles qui coopèrent au sein de l’univers de la production ou de la reproduction. Face à tout ce qu’il a fallu détruire et déraciner pour que le travail soit la seule façon d’exister, nous sommes poussé.es à regarder plus loin. Nous sommes animé.es par l’envie de faire grandir d’autres mondes de sens, d’autres mythologies.

C’est parce que nous ne voulons pas renoncer à exister, en laissant le travail capitaliste définir le sens de nos vies, que nous cherchons ailleurs. En nous rappelant sans cesse les raisons pour lesquelles nous ne nous caserons pas dans des tours à bureaux, dans des hôpitaux ou dans le rôle de la maman-ménagère. En pensant constamment comment nous voulons organiser nos vies de façon indépendante de l’État, du capital et de l’hétéro-patriarcat.

Le rapport existentiel au travail nous apparait comme un effort que nous devons faire, individuellement et collectivement, pour arriver à se projeter autrement dans le futur que comme travaillant. Autrement qu’en élevant des enfants seul.es et en occupant un  emploi toute notre vie. Si nous sommes encore aujourd’hui des travailleurs/travailleuses, des exploité.es, c’est à partir du désir de se défaire de cette situation que nous pensons le politique. Le travail n’est pas la situation à la base de notre identité, mais un problème dans lequel nous nous trouvons toujours capturé.es et auquel nous cherchons une solution révolutionnaire. Se penser comme non travailleurs/travailleuses c’est essayer d’imaginer et de mettre en place une vie et un sens qui n’en fasse pas une centralité. Car le travail n’est pas une façon de vivre, mais l’obligation de devoir se vendre pour vivre.

C’est d’ailleurs ce que nous reprochent les marxistes. Nous ne descendons pas sur leur terrain, ne parlons pas ou trop peu de plus-value, de valeur travail, de forces productives. Nous attaquons le travail comme dispositif de capture, comme rapport dans lequel nous sommes pris.es. Car le travail ne produit pas seulement des marchandises, il produit aussi des travailleurs-travailleuses. Le salariat et le domicile privé sont aussi des modèles de discipline, des manières de maintenir l’ordre. Si les révolutionnaires les plus “à gauche” croient à cette fiction et ne voient pas que le travail aussi est une construction historique, tant pis pour eux et elles…  Plutôt que de poser l’identité «travailleur/travailleuse» comme base de toute revendication politique, nous voulons en tracer l’éclatement, non pas réinventer un meilleur travail, mais nous penser comme non-travailleurs/travailleuses, comme contre le travail.
Si aujourd’hui tous les militant.es de la “lutte des classes” (en réalité plus de la classe que de la lutte) fantasment sur la culture industrielle, nous n’avons pas oublié que le prolétariat a toujours aussi lutté pour la fin du travail. Loin de nous l’envie de mépriser ces intellectuel.les matérialistes qui prennent le marxisme comme béquille existentielle et ne se permettent de penser le rapport au travail et à la lutte qu’à travers des interventions économicistes. Or la violence du système est pour nous trop grande pour ce genre de mécanisme de défense. Nous n’attendrons ni le parti ni le grand soir.

C’est ici que nous voulons faire une distinction entre destitution et abolition.

Destituer le travail, pas l’abolir 

“Briser le cercle qui fait de sa contestation l’aliment de ce qui domine, marquer une rupture dans la fatalité qui condamne les révolutions à reproduire ce qu’elles chassent, rompre la cage de fer de la contre-révolution, telle est la vocation de la destitution.”

L’abolition fait référence à un acte politique officiel de suppression de certains droits et certaines pratiques. Abolir le travail référait donc à une manière de déclarer, d’énoncer à partir d’une instance légitime, la fin du travail, son annulation. Mais que pourrait signifier une telle déclaration dans un monde ou pratiquement tout est rendu travail?

L’idée de destituer le travail plutôt que de l’abolir s’inscrit dans la volonté de repenser la manière dont on imagine la révolution. Alors que dans les programmes révolutionnaires traditionnels on déclarait la mise en commun des moyens de production, l’expérience du 20e siècle démontre que ce passage d’une propriété privée à une propriété collective reste insuffisant. Nos précisions historiques précédentes servaient justement à dénouer ce point. Le travail n’est pas simplement accaparé par le capitalisme, il en est aussi le produit. Il ne peut donc suffire de le collectiviser, il faut trouver des manières de vivre qui nous permettent de le dépasser.

Destituer le travail signifie pour nous de trouver des manières de lui échapper, de se retirer des prises qu’a ce dispositif sur nos vies. S’il nous est impossible dans le contexte capitaliste d’espérer être réellement hors du travail, la destitution vise plutôt à se passer du besoin que nous avons de lui. Un besoin aussi existentiel que matériel. Il est question d’organiser les conditions matérielles qui nous permettent d’explorer d’autres conditions existentielles, d’autres formes-de-vie, d’autres inclinaisons.

La destitution repose dans un double geste : l’invention de nouvelles formes et l’attaque contre l’ordre établi. Accorder la positivité à la négativité : nos espoirs et nos rêves d’autres mondes à notre dégout et notre haine de celui-ci. Il nous faut donc à la fois élaborer des modes d’existence qui ne font pas du travail une centralité, et en même temps constituer une opposition politique au travail. Destituer c’est dès maintenant commencer à poser les premières questions qui nous permettent de poser les premiers jalons d’une autre vie.

La destitution est un passage obligatoire, car la société du travail s’est érigée par l’expropriation de populations de leurs conditions de vie, de leurs moyens de reproduction, et par la réorganisation de leur monde. Seules une réappropriation et une réinvention des liens sociaux sont à même de permettre une sortie de ce mode d’existence imposé. Mais il est aujourd’hui nécessaire d’explorer de nouvelles formes, de nouvelles manières de refuser le travail. Aux 15e, 16e et 17e siècle, les luttes parfois conjointes des autochtones américains, des marrons (esclaves en fuite), des marins, des paysans ou coureurs des bois contre l’imposition du travail, tout comme plus tard les bandits sociaux, les soulèvements des canuts, les Os Cangaceiros, le luddisme de la fin du 19e siècle, les sublimes ou encore l’autonomie italienne ont, à divers moments, radicalement fait trembler le pouvoir. Aux différentes transformations du capitalisme émergent différentes réponses des pauvres et des exploités générant l’instauration de nouveaux ordres, de nouvelles transformations. La recomposition contemporaine du travail, l’adaptation récente du capital aux indisciplines ouvrières des années 60 et 70, combinée aux mouvements sociaux qui accompagnaient tous ces sabotages, ces casses, ces fugues, ces absences, ces grèves désordonnées (parfois même contre les syndicats) nous ouvrent aujourd’hui à une situation différente.

Il nous faut donc trouver de nouvelles manières de refuser le travail, de lutter pour le sortir de nos vies, de profiter de ses failles pour l’utiliser à notre profit. Et ce à partir de la pluralité des positions que nous occupons, des privilèges que nous portons et des oppressions que nous subissons. Évidemment, les élites gauchistes diront qu’il en va ici d’un raisonnement petit bourgeois, d’aventurisme, de débrouilles inutiles. Mais rien ne serait plus déconnecté de la réalité. Concrètement, les gens traficotent, trichent, mentent, volent, brisent du stock fakent d’être malade, mangent la marchandise, chient sur la job, donnent des trucs secrets, couvrent leurs collègues, se cachent des gérants et des contremaîtres, etc, etc. Nous savons que ces lignes de fuite sont aussi vieilles que l’invention du travail comme appareil de capture du temps de la vie. Nous savons aussi qu’elles sont assez fortes pour imposer la restructuration du capital : chronométrage des gestes, surveillance-caméra, mesures antivols. C’est selon nous en s’inspirant des lignes de fuites déjà existantes, de toutes les pratiques de destitution du travail déjà mise en oeuvre et en s’organisant à partir d’elles, que nous pourrons arriver à le rendre inopérant. En approfondissant toutes ces tendances que nous pourrons, tracer une opposition politique au travail.

Nous aimerions pour ce faire proposer trois figures de la destitution : celle de la paresse, du banditisme et du commun.

Trois figures de la destitution du travail 

Le premier avantage qui s’offre à nous c’est que pratiquement tout le monde déteste le travail. Le “Québec” néolibéral n’est pas une société du bonheur général où règnerait simplement une injustice morale et théorique. Bien au contraire, le malaise est généralisé : des tonnes de gens sont sur les antidépresseurs, s’évadent dans l’alcool ou la drogue pour tolérer l’exploitation salariale ou leur pauvreté ou encore s’enfoncent dans un mode de vie complètement chronométré et compulsif pour oublier de penser. Parce que le travail fondamentalement exploitation – au double sens du vol et de l’abus -, tellement de gens haïssent leur job et ont l’impression de travailler des tonnes pour pas grand-chose.

À partir de ce sentiment, de ce dégout du travail, il nous semble possible de dessiner trois figures de la destitution. Il nous faut entendre ici figures non pas comme des manières d’être qui soient essentiellement différentes, mais plutôt comme des représentations, des formes différentes du refus du travail qui se superposent et s’entrecoisent. Elles sont des outils pour penser des manières de destituer le travail à partir d’une pluralité de situation. Ces trois figures nous traversent et nous plongent dans notre inclinaison à refuser le travail, dans des devenir-paresseuses, devenir-bandits, devenir-commun.

.I. 

‘Prolétaires du monde entier: reposez-vous !”

La première figure est celle de la paresse. Elle vise à montrer que la destitution du travail est avant tout un rapport à soi. Que le travail n’est pas simplement organisation économique de la “société”, mais organisation de la manière d’être au monde. Si le travail fonctionne si bien c’est que nous sommes dressé.es depuis l’enfance. Discipliné.es à chacun de nos pas. La figure de la paresse nous libère de l’idée que la vie bonne est celle de production. La vie c’est aussi l’improduction, le repos, la fête et les maux de tête qui suivent. Assumer la figure de la paresse c’est accepter le caractère mammifère de notre existence, pourquoi nous aimons tant faire des siestes.

Au travail, à l’école ou dans le militantisme, la figure de la paresse nous guide à refuser la disciplinarisation de nos vies. Que chaque moment soit calculé et rentabilisé. C’est-à-dire tuer le boss, le flic (circulez!), le cadre du parti dans notre tête. Celui qui nous pousse à respecter toutes les exigences de l’ordre et de la droiture. Prendre le temps d’être improductif sur les heures de job, trouver des manières d’être en retard, d’allonger les pauses, de faire un petit somme en cachette ou d’être payé.e pour des heures qu’on n’a pas faites. Dans la complicité paresseuse, avec les collègues, prendre une marche, fumer un joint en cachette, jouer au jeux vidéos plutôt que de faire la comptabilité, ou faire l’amour dans le bureau du boss. La paresse et l’improductivité énoncent aussi cette idée de désaccumuler, de désapproprier ceux qui s’approprient.

Destituer le travail, dans une société de surproduction et de consommation de masse c’est aussi prendre le temps de réparer, bidouiller, fabriquer soi-même, manger dans les poubelles, moins gaspiller ou produire sa propre nourriture. Parce que si dans ce monde tout s’achète, c’est avec l’argent gagné à la sueur de nos vies. Trouver des manières de consommer moins c’est donc se donner la possibilité de moins se vendre.

S’inspirer de la figure de la paresse signifie aussi combattre au quotidien la tentation d’élever des kids dans une logique hyperproductive ou chaque moment doit être rentabilisé. Un mode de vie où “pour leur bien-être” on les enferme (et nous avec) dans un horaire surchargé sans aucun moment de repos. Le cours de musique, pis après le cours de sport, les devoirs, les lunchs pour le lendemain pis on recommence. Ou autre chose. La paresse. Les laisser jouer dehors, s’ennuyer un peu, se perdre et revenir. Rencontrer des mondes de sens et le vide de l’existence. Refuser de les dresser dès la couche à devoir s’occuper le temps.

Destituer l’univers de la performance qui a envahi l’ensemble des aspects de notre vie. Performer sa vie sociale, amoureuse, sexuelle. Performer dans le sport et performer les repas entre ami.es. À l’opposé de cette performance, apprendre à cultiver un rapport de mépris du travail; s’attaquer quotidiennement au dogme du travail, au mythe de son universalité, de sa normalité. La figure de la paresse c’est en somme la négation d’une manière d’être qui nous pousse à l’épuisement quotidien de nos forces vitales.

Dans la paresse, des nouvelles temporalités étouffent l’horloge. On s’aperçoit, en laissant tomber la peur du temps perdu, de sa plénitude. Les jours de tempête de neige et les matins où nos corps refusent le travail, ne sont pas juste des riens, mais se retrouvent remplis de trucs incroyables, doux, plates, excitants, surprenants ou étranges, seul.es ou ensemble.  Aller à la piscine, prendre des bains. Manger n’importe quoi qui nous fait plaisir – on est déjà dans la transgression d’un quotidien imposé. Dormir à n’importe qu’elle heure, ne pas dormir et oublier le cadran, décadré.es. S’allonger avec des ami.es, traîner, raconter, on se touche et la lumière glisse par la fenêtre, à travers l’hiver. En somme, trouver les lignes pour fuir une existence vouée au travail vers une existence qui serait vouée à tout le reste.

.II.

“Il n’y a plus nulle part de place pour l’innocence en ce monde. Nous n’avons que le choix entre deux crimes : celui d’y participer et celui de le déserter afin de l’abattre”

La deuxième figure est celle du banditisme. Elle a pour sens de mettre en évidence l’impossibilité de se complaire dans la légalité, pour toute lutte à prétention révolutionnaire au sein de la société capitaliste moderne/coloniale. Alors que tout s’est privatisé, atomisé, fermé, que toute activité, tout espace doit maintenant être surveillé, légiféré, rentabilisée, chaque pas de côté est un crime aux yeux de la “société”. Rien d’étonnant que n’importe quelle manifestation, occupation, que n’importe quoi qui n’est pas de la circulation de marchandises soit aujourd’hui considérée comme criminel. La lutte contre le travail ne peut se limiter au cadre législatif prescrit par l’État, dans la mesure où il fonde les conditions de possibilité du capitalisme. Ce monde est profondément injuste, tout comme l’est notre situation. Dans un monde organisé de la sorte, la justice ne se quémande pas, elle se prend, elle s’impose.

À partir du moment où l’on dépasse la limite morale que veut nous imposer la “société”,  reste à trouver comment le banditisme peut arriver à destituer le travail de nos vies. Tout système comporte ses failles. Les caisses des magasins ne balancent jamais, les inventaires sont fait par les ami.es, les banques et les assurances sont faites pour être fraudées, le BS est pas si difficile à avoir, le deep web regorge de manières de faire de l’argent autrement. À partir d’un emploi salarié ou non il est toujours possible de faire dévier les flux de marchandises ou de capitaux pour le mettre dans les poches des révolutionnaires afin qu’ils et elles travaillent moins ou plus du tout. En groupe bien organisé, les autoréductions, les pillages en manif et les holds-up sont toujours plus faciles. Qu’on ne nous serve pas les niaiseries selon lesquelles le vol et la fraude seraient un luxe de petits bourgeois : les «pauvres» et les prolétaires sont bien au contraire les premiers à voler et à frauder parce qu’iels savent très bien qu’iels n’ont rien à attendre de ce monde (et aussi parce que tout le monde a besoin de manger).

Bien sûr, ce banditisme s’il se perd dans une logique de fin en soi – le vol pour le vol – ne vaut plus rien. Si aller chercher l’argent là où il se trouve devient un travail, on revient alors pratiquement à la case départ.S’il est question de trouver les manières de fuir le travail, il est tout autant question pour nous de mettre ce banditisme au service de la lutte. Il s’agit ainsi de banditisme révolutionnaire. Voler du stock de construction pour construire des barricades ou pour aider le campement d’une communauté autochtone qui lutte contre un pipeline. Organiser une autoréduction, un pillage d’une épicerie pour nourrir une occupation. Imprimer la nuit, sans que personne ne le sache, les tracts, les zines et les affiches pour préparer notre prochaine offensive. Acheter avec le cash fraudé à Ebay les casques et les feux d’artifice pour les prochaines manifs qui dérapent.

Autrement, des luttes contre le travail, pour travailler moins, pour travailler moins fort ou pour ne plus travailler du tout peuvent être menées sur les lieux de travail. Faire les bandits c’est aussi mener les luttes locales et syndicales en dehors de codes qui sont imposés par la loi. Une lutte syndicale qui assume son caractère criminel plutôt que de s’assurer de sa légalité fera trembler le pouvoir. Le syndicalisme est né comme activité criminelle, son intégration à la démocratie parlementaire et au capitalisme signifie plutôt son échec que sa réussite. Au Québec, particulièrement dans le cas des lois spéciales, la criminalisation est à son maximum. Si toute grève est maintenant illégale, elle devra être faite à visages couverts. S’il nous apparait illogique de saboter notre propre lieu de travail, alors nous multiplierons les actions directes dans la rue pour appuyer nos revendications.

Évidemment, lorsqu’on travaille dans un emploi lié au care, dans l’hôpital ou à la soupe populaire, on aura plus de difficulté à trouver une légitimation à voler du matériel ou à détruire des outils. Mais la figure du bandit doit être pensée comme un rapport au monde plus que comme un nombre limité de pratiques. Ce doit être une volonté de déjouer la discipline inutile, de donner des trucs et des astuces parfois illégales ou hors normes, se donner le temps d’avoir des rapports concrets et de ne pas traiter les bénéficiaires comme de la clientèle. Ne pas toujours emprunter les chemins balisés pour arriver à nos fins, mentir aux supérieurs, développer une complicité entre subordonné.es, utiliser l’argent des syndicats pour financer nos activités politiques à l’extérieur des lieux de travail. Bien sûr, tout le monde ne peut se permettre le même niveau de banditisme. Les différentes situations psychologiques, familiales, relationnelles ne rendent pas toujours possible d’assumer une vie complètement criminelle. Mais tous et toutes peuvent à leur échelle participer à l’élaboration de communautés de vie et de lutte qui dérogent, qui déraille au moins un peu.

La figure du bandit est celle de toutes personnes assumant avec sérénité le caractère criminel de leurs existences. Celles qui la partagent comme seule manière d’habiter réellement leur monde. Celles qui ont compris que le changement ne survient qu’en brisant les cadres qui rendent normale l’injustice. Il est bien évident que face au travail, la liberté est le crime qui contient tous les crimes.

.III.

“Elle me fait et me défait, elle me constitue et me destitue comme individu” 

La troisième figure est celle du commun. Elle est la condition de possibilité de n’importe quel projet réellement révolutionnaire. Être paresseux/paresseuses seul.es ou jouer au bandit solitaire, en plus d’être ennuyant, n’est pas très menaçant pour l’Empire. Les pratiques deviennent révolutionnaires lorsqu’elles sont partagées, lorsqu’elles se répandent, lorsqu’elles ne sont plus seulement faites pour survivre ou par haine spontannée. La figure du commun est à l’antipode de ce qui fut nécessaire pour normaliser et étendre le travail: la privatisation de nos vies, de la reproduction comme de la production. Elle émerge lorsque des êtres se trouvent, éprouvent une sensibilité commune et décident ensemble de partager leur bout de monde.

La figure du commun, dans sa pratique banale et quotidienne est celle de la communauté. Au milieu des ruines, du désert qu’ils ont osé appeler “société”, la communauté est ce qui nous permet de ne pas dessécher, étrangers et tristes. De ne pas péter au fret, de ne pas s’effondrer au milieu de l’hiver, après que le travail nous ait retirés toute force de vie, toute chance de profiter de l’existence. Le commun est toujours-déjà là, dans nos manières d’être ensemble. C’est cette vie qui persiste dedans, pis contre ce monde, qui parfois déborde des craques et agrandit ses fissures. Ce sont ces espaces du refus, ceux où on refuse ce qui nous a été refusé, et refuse le choix qu’ils nous proposent. Et dans ce refus commun, on remodèle le désir, réoriente l’espoir, réimagine le possible et ce, ailleurs et loin de leurs droits et de leur respectabilité.

La capacité à destituer le travail par le commun se mesure à notre niveau d’organisation. Au niveau de partage nécessaire pour ne plus jamais travailler. Le commun est le sabotage collectif des dispositifs d’individualisation. Alors qu’on nous voudrait seul.es, isolé.es, force de travail à vendre et consommateur assoiffé, la figure du commun en est l’inverse et l’opposé.

Le commun nous permet aussi de réinventer les rapports sociaux. La destitution du travail domestique c’est sa perversion en moments joyeux et collectifs. Non seulement dans sa distribution plus égalitaire, mais aussi dans la transformation d’une tâche individuelle imposée, en un moment pour soi ou pour la communauté. La famille nucléaire est essentiellement amputations des liens sociaux, privatisation de l’amour et de l’amitié. Si le travail a été rendu possible par la privation des moyens de production et de la communauté, son dépassement nécessite de s’attaquer simultanément à l’un comme à l’autre. C’est dans cette expérimentation que nous pourrons dépasser ce qui est abstraitement public et ce qui est abstraitement privé, la masculinité et la féminité socialement instituées.

La mise en commun est aussi la condition de possibilité de l’élaboration de notre puissance collective. Mettre en commun les richesses gagnées, par le salariat ou les arnaques, nous libère à la fois du temps autrement passé à travailler et donne les moyens de mener des offensives contre l’ordre impérial moderne/colonial. De la même manière, la mise en commun des connaissances nous donne les outils d’une autre vie. Mais les communautés ainsi mises en place ne peuvent compter uniquement sur la communalisation immédiate de l’argent. Pour gagner en puissance il nous faut développer les infrastructures permettant une autonomie de notre reproduction comme de nos luttes. Le niveau supérieur de la destitution du travail est la mise en commun de terres, de blocs, de lieux et de moyens logistiques nous permettant de fuir complètement le travail. Et dans la fuite conspirer avec ceux et celles qui nous accompagnent afin de trouver les armes de la prochaine attaque.

.Formes-de-vies.

“C’est-à-dire que le problème n’est pas quelle forme d’action va-t-on trouver pour destituer le pouvoir, parce-que ce qui va destituer le pouvoir n’est pas une forme d’action, mais uniquement une forme-de-vie.”

Ces différentes figures de la destitution restent impuissantes si elles sont pensées de manière séparée. La solution ne réside pas non plus dans l’accumulation de différentes pratiques subversives. Elle se situe plutôt pour nous dans leur assemblage comme coeur de notre existence, comme fondement de notre rapport au monde, comme forme-de-vie. Au-delà des identités politiques révolutionnaires, il n’est pas question de “qui je suis”, mais “comment je suis ce que je suis”. Et à partir de là, quel usage habituel, quelle pratique de l’existence peut désoeuvrer les oeuvres, désorganiser ce qui m’organise ? Comment la manière dont nous vivons nos vies peut-elle s’ériger en puissance, c’est-à-dire en possibilité de faire ou de ne pas faire.

Suivant ce que nous avons détaillé plus tôt, le travail fut historiquement rendu possible parce que la vie humaine fut capturée et divisée en sphères fonctionnelles. Le travail est un moment isolé par les dispositifs disciplinaires, une amputation du reste de la vie qui s’est aujourd’hui étendu à l’ensemble de notre existence. Contre cette logique, celle de la forme-de-vie vise à mettre en place une vie qui soit indissociable de sa forme, une tentative de réaliser une vie et une pratique humaine en dehors des déterminations modernes/coloniales.

Élaborer des formes-de-vie c’est réinventer de nouvelles façons de vivre et lutter en les unifiant. Des manières de vivre qui demeurent insaisissables pour le droit, qui désactivent les rapports de genre, qui rendent inopérants les dispositifs capitalistes. Des manières d’être seul.es et ensembles qui rendent le travail incongru, non seulement obsolète, mais qu’il ne fasse plus sens dans nos communautés.

Ces formes à inventer ne résident pas en quelques formules magiques, elles ne consistent pas en un modèle de société qu’il nous faut proposer. Bien au contraire, elles sont expérimentations radicales, formes d’organisations multiples, convergence des lignes de fuites. En confrontation constante avec le monde du travail, elles sont les expériences collectives concrètes de renversement de la normalité moderne, de sortie de l’exploitation, de pratiques directes du présent comme moment joyeux.

Les formes-de-vie qu’il nous faut élaborer contre le travail doivent aussi lui être dangereuses. Il s’agit aussi de l’attaque, de la destruction de ce qui nous oppresse : du saccage et de l’affrontement, du pillage et du partage. Elles se doivent d’incarner les flammes bien réelles de la révolte, de rendre possible l’expropriation.

À quoi servirait tout l’argent exproprié des banques qu’une révolution rendrait possible si nous ne savons pas quoi en faire d’autre que de s’acheter des chars pis des vêtements pour impressionner les gens ? Les formes-de-vie qu’il nous reste à inventer peuvent destituer le travail à la condition qu’elles tissent entre elles un monde de sens radicalement différent qui soit le ciment de la révolution.

Conclusion

S’organiser pour destituer le travail, c’est refuser d’attendre une proposition complète pour se lancer, un programme qui point par point, éclairerait notre chemin. Notre imaginaire est broyé par la modernité coloniale, seule l’expérimentation peut nous permettre de l’ouvrir à d’autres réalités. Lutter pour une communauté idéale ne vaut rien. Ce qui compte est plutôt la communauté qui se crée dans la lutte même. Tenter de se soustraire au travail n’est pas seulement laisser un vide sous le dispositif, mais l’étouffer par une positivité autre. Sortir du dogme du travail permet de découvrir quel plan de réalité il cachait, quel monde sensible était obstrué par sa grossière hégémonie. Au-delà du travail, nous avons des mondes à gagner.

Évidemment, ce qui est décrit ici n’exprime que notre position sur le travail. Or il est bien clair pour nous, contrairement aux traditions révolutionnaires faisant du travail une centralité, que ces solutions ne suffisent pas. Ce n’est pas assez de mettre en commun et de faire les bandits, il faut s’organiser politiquement. En plus de se trouver une bande pour attaquer les structures de pouvoirs et prendre soin de nous, il faut conspirer avec d’autres pour menacer plus sérieusement l’Empire. Il faut se constituer en puissance autonome, étendre la toile invisible qui relie entre elles les différents foyers de résistance et les formes-de-vie qui s’opposent radicalement à ce système. Il nous faut tracer notre constellation.