On apprenait la semaine dernière que 43% des élu.e.s du gouvernement caquiste proviennent du milieu de la gestion et des affaires. L’ancien PDG d’Air Transat est le premier ministre d’une province qui s’assume enfin comme la business qu’elle est. Avec la nomination de 15 patrons et gestionnaires au conseil des ministres – dont Éric Girard (Banque nationale, aux Finances), Pierre Fitzgibbon (Walter Capital, à l’Économie), Danielle McCann (PDG de CSSS, à la Santé), Jean Boulet (avocat de patrons, au Travail) et autres crapules entrepreneuriales – l’État ne se donne même plus la peine d’essayer de cacher les intérêts qu’il défend et la classe qu’il sert. À la veille de l’entrée en fonction du prochain gouvernement, ne prenons ni le parti des crédules ni de celles et ceux qui chialent sans rien faire.

Au cours des prochaines années, les oppositions parlementaires – qu’elles se targuent d’un nationalisme conservateur ou d’un progressisme libéral – ne pourront rien contre les offensives prédatrices du nouveau gouvernement. À l’Assemblée nationale, les partis vont débattre du bien-fondé d’ostraciser encore plus les communautés racisées, à coup de laïcité et de féminisme d’État, alors que les conséquences de ce racisme décomplexé se répercutent avec violence depuis plusieurs années déjà. Les plus progressistes pourront s’enchanter de voir leurs pantins voter en vain contre les nouveaux projets de pipelines, de gazoduc ou contre les attaques antisyndicales, heureux.ses de pouvoir enfin jouer leur rôle dans la mise en scène de la démocratie parlementaire.

On aurait beau énumérer comment cette arrivée au pouvoir d’un «gouvernement de patrons» va se décliner de mille façons, comment le système de santé, le système d’éducation ou le reste du «tissu social» va en pâtir, mais ce monde n’a plus besoin de critique. Plus personne n’a besoin d’être convaincu de la profondeur du désastre et de la morbidité du monde dans lequel on vit. Et c’est la raison pour laquelle il ne faut pas opposer à ce gouvernement une meilleure gestion sociale. Une gouvernance plus humaine ou plus verte ne représente qu’une version soft de la catastrophe, de l’exploitation organisée. Plutôt que de se contenter d’une critique de la nouvelle gouvernance qu’incarne la CAQ, plutôt que se morfondre et ruminer pendant des années contre le «peuple» ou les malheurs de la «démocratie», organisons-nous contre et en dehors de leur système.

Refusons les options parlementaires qui nous forcent à choisir entre l’accélération ou le ralentissement du désastre.

Nous n’avons pas à attendre le prochain assaut – qui viendra inévitablement – du gouvernement caquiste envers ce qui reste du projet social-démocrate. Il faut récupérer le tempo, imposer nos temporalités et arrêter d’être à la remorque de l’idéal agonisant d’une autre époque. Assumons le défi qui est le nôtre: celui de se trouver, de s’organiser, de construire et de mettre en partage des mondes en dehors de l’hégémonie capitaliste. Le défi de se constituer en force autonome conséquente.

Contre leur monde en décomposition : devenons ingouvernables !